Analyse et Histoire Antifascisme / Antiracisme

Les antifas sont les véritables défenseurs de la liberté d’expression



Quel est le rôle du combat antifasciste ? Adaptation courte d’un article publié par le Think Tank américain C4SS.

Les groupes néo-fascistes et identitaires ont le vent en poupe. La diffusion de leurs idées est principalement due à la complaisance - ou plus simplement l’ignorance du danger historique que pose la possibilité du fascisme - des médias de masse et la participation de certain-e-s élu-e-s. A Angers, par exemple, le groupe néo-fasciste “l’Alvarium”, inspiré par le Bastion social [1], sévit depuis quelques années avec une relative complaisance de la mairie.

En réponse à cet état de fait, des groupes antifascistes ou “antifas” s’organisent aussi partout en France. Leur rôle est de stopper l’avancée de la propagande fasciste par un travail militant mélangeant la documentation et l’action. A Angers, par exemple, il y a le Raaf. C’est un travail extrêmement méticuleux comme en témoigne, par exemple, la cartographie de l’extrême-droite en France par la Horde.

Les groupes antifas sont aussi très actifs aux États-Unis où l’élection de Trump a galvanisé des groupes identitaires, voir carrément néo-nazis. Là-bas, c’est principalement cette montée de l’extrême-droite qui a mis l’expression “antifa” dans le langage commun, mais avec un sens complètement déconnecté de la réalité. Ces groupe militants méticuleux sont caricaturés comme des bandes de voyous violents cherchant à frapper n’importe qui. Là-bas, certains médias “conservateurs” martèlent constamment l’idée que “les antifas sont opposés à la liberté d’expression et ce sont eux les véritables fascistes”. Une idée qui essaye de mettre dos-à-dos les fascistes et les antifas. Cette idée commence aussi à se diffuser en France comme lorsque Gérard Collomb mets dos-à-dos le groupe néo-fasciste Génération identitaire et des organisations d’aide aux migrants qui surveillent les cols de la frontière franco-italienne.

La question de la liberté d’expression est essentielle, mais les actes des antifas ne vont pas à l’encontre de celle-ci. En fait, ce sont les organisations fascistes qui posent un véritable danger pour cette liberté et il faut voir le combat antifasciste comme un outil essentiel pour garantir ce droit.

L’argument libéral est le suivant : “dans un monde dirigé par la raison, il faut laisser les fascistes s’exprimer. Leurs idées seront ensuite discréditées par la majorité, et on pourra passer à autre chose.” Mais les libéraux ne comprennent pas la menace posée par l’expression de l’idéologie fasciste. Pire, ils légitiment ces idées par le débat, ne réalisant pas que le jeu auquel jouent les fascistes n’est pas le jeu de la raison, mais celui des appels psychologiques. Le fascisme réussit dans les débats - dans le sens d’une mobilisation rapide de la population pour atteindre ses objectifs - car la vérité est complexe, alors que les récits faux mais simplistes qu’il avance résonnent avec certains affects émotionnels.

Bien sûr que les approches des antifas, qui font parfois appel à la violence, ne sont pas conçues pour gagner les cœurs et les esprits de la population, mais pour empêcher les fascistes de s’organiser en nombre faisant preuve d’une puissance non opposée. Les antifas ne cherchent pas non-plus à « gagner des votes » mais à résoudre directement un problème : celui de la possibilité de l’effondrement des libertés lorsque les fascistes arriveraient au pouvoir. Comme cela a été le cas en Allemagne. Rappelons que parmi les premières décisions du parti nazi après la victoire de 1933 on retrouvait la suppression des organisations syndicales, le musellement de la presse et la dissolution des partis d’opposition.

De même, la plupart des groupes antifas ne cherchent pas à gagner la guerre à long terme contre le fascisme, mais à remporter les batailles immédiates nécessaires à la survie de la diversité des idées. En particulier, pour la survie d’une forme de critique du capitalisme et des formes totalitaires que celui-ci peut prendre. Parce que, à long terme, ce qui vaincra le fascisme est une critique puis une transformation des conditions matérielles et des dynamiques sociales nécessaires à l’émergence du celui-ci. Nous ne gagnerons vraiment que lorsque nous parviendrons à un monde d’abondance sans oppression, où la hiérarchie sociale et les formes de domination seront devenues obsolètes. C’est parce que les organisations fascistes représentent un risque existentiel immédiat pour de nombreuses communautés et pour la diffusion d’idées et de formes de vie anti-autoritaires que le combat antifasciste est essentiel.

La situation à laquelle nous sommes confrontés avec non seulement une diffusion généralisée des idées racistes, mais aussi un renforcement sans précédent du pouvoir répressif de l’Etat, pose un problème unique dont l’antifascisme n’est qu’une partie de la solution, mais une partie essentielle. Nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer les expériences et les leçons tirées de cette lutte.

L’article complet en anglais est disponible sur le site du C4SS.

Photo tirée du site du RAAF.

Notes

[1Le Bastion social était un groupe néo-fasciste français qui utilisait la mise en place de centre sociaux comme vecteur de propagande. Plusieurs membres du groupe ont été condamnés pour violence et le groupe à été dissous récemment par le gouvernement.

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