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Vol spécial pour Tbilissi : expulsion collective de personnes géorgiennes arrêtées aux quatre coins de la Bretagne



Ce vendredi 4 octobre matin, un charter transportant 33 personnes d’origine géorgienne a décollé de l’aéroport de Rennes vers Tbilissi. Une opération d’expulsion brutale et expéditive au mépris des droits les plus fondamentaux des personnes étrangères.
Tiré de larotative.info

« Alors » que le droit proscrit les expulsions collectives [1], jeudi 3 et vendredi 4 octobre, les autorités françaises ont procédé à une série d’interpellations coordonnées aux quatre coins de la Bretagne de personnes géorgiennes, dont certaines en famille avec des enfants, pour les renvoyer en Géorgie. Une pratique qui rappelle les sinistres charters de Pasqua, Debré et Sarkozy.

L’expulsion a été menée au moyen d’un Boeing 737 de Georgian Airways, affrété par Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes à la demande du ministère français de l’intérieur. D’après un flic interrogé par le journal rennais Le Télégramme, « trois autres avions sont prévus en octobre, depuis Lille, pour les pays de l’Est ».

Ce qui implique que d’autres préfets mèneront de nouvelles traques, de nouvelles rafles, que de nouvelles familles seront déchirées. Cette annonce fait peser une menace sur tous les exilés géorgiens ou albanais présents sur le territoire métropolitain, le ministre de l’Intérieur ayant multiplié les attaques ciblées contre les ressortissants de ces deux pays au cours des derniers mois. Dans l’agglomération de Tours, plusieurs familles géorgiennes vivent désormais dans la peur d’une arrestation, sachant que celle-ci peut intervenir à tout moment et en tout lieu.

Des arrestations dans toute la Bretagne

Les personnes expulsées vivaient à Rennes, Redon, Vannes, Lorient, Quimper ou ailleurs en Ille-et-Vilaine. La plupart étaient établies depuis plusieurs années en France. Plusieurs ont eu à subir ce traitement en toute illégalité, car elles bénéficiaient d’un droit au séjour en France durant le temps de procédures toujours en cours.

Devant le caractère répressif de l’opération, deux femmes se sont ouvert les veines, ce qui n’a pas empêché l’administration française de poursuivre son sale boulot : l’une a été expulsée, l’autre est enfermée au centre de rétention de Rennes avec sa famille après un passage à l’hôpital, en attendant le prochain charter. Plusieurs familles ont été séparées, sans que l’administration ne prenne en considération leur droit fondamental à vivre ensemble.

Huit personnes et deux enfants de 13 ans [2] ont été enfermés au CRA de Rennes juste avant leur départ. Arrivées en pleine nuit le jeudi 3 octobre, elles sont reparties au petit matin, les privant ainsi de tout accès au juge et les plaçant dans l’impossibilité d’exercer leurs droits, pour le seul confort de l’administration.

Cette opération d’expulsion brutale et expéditive s’inscrit dans un contexte de durcissement de la politique gouvernementale en matière d’immigration. En plus d’organiser des charters pour déporter en masse des exilés, le président de la République a décidé d’organiser un énième pseudo-débat sur l’immigration, offrant une tribune de rêve à tous les xénophobes de l’assemblée nationale, en vue de durcir encore les conditions d’accueil et d’asile.

« Eh, préfète... »

Nous reproduisons ci-dessous l’adresse d’un militant breton à la préfète d’Ille-et-Vilaine, responsable de ce vol spécial pour Tbilissi :

« Chapeau pour le merdier créé pour les 33 géorgien-ne-s expulsé-e-s par charter vendredi ! Résumons les effets de cette expulsion rationnelle et fort bien menée en termes de légalité :

Deux personnes ont résisté en s’ouvrant les veines, l’une a dû être opérée.

Y a plein d’enfants qui ont dormi ce week-end sans leur papa (le plus souvent) ou sans leur maman.

Assez marrant le récit rapporté sur "tes gendarmes" qui auraient dit à des enfants qu’ils venaient chercher pour les expulser : "laissez vos cartables, vous n’en aurez pas besoin aujourd’hui".

Hier à la manif, les cinq enseignant-e-s d’une école où t’as expulsé une élève de CE2 ont voulu lire un communiqué de presse : la première a craqué et n’a pu continuer, la deuxième a craqué et a eu du mal à continuer, la troisième a réussi à finir puis elle a craqué, avant de rejoindre leurs deux autres collègues qui ont craqué aussi (vont passer une bonne semaine ces cinq là pour expliquer la chaise vide aux autres élèves).

Hier à la manif, une enfant de 15 ans a pris le micro pour raconter que, il y a sept ans, sa mère avait été expulsée et qu’elle s’était suicidée, alors aujourd’hui elle est en foyer avec son frère (quelques personnes ont eu un sanglot).

Hier à la manif, une demandeuse d’asile politique pour raisons d’homophobie dans son pays africain a voulu exprimer sa solidarité avec les géorgien-ne-s et elle a craqué aussi.

Hier à la manif, beaucoup de gens avaient les mêmes visages que quand il y a un tremblement de terre et que tu ne sais pas quoi faire, ni dire.

Hier à la manif, y a un mec qui m’a demandé si les géorgien-ne-s raflé-e-s avaient aussi une "étoile jaune" (je ne suis pas d’accord avec cette comparaison mais, comme je suis neutre, je me contente de rapporter).

Ah j’oubliais, hier à la manif, y a un homme qui a raconté que son grand-père était mort dans les camps en 1943 et que tout ça lui faisait penser à lui (lire parenthèse précédente).

Pas mal, non ? Ça va toi, sinon ? Vous préparez le prochain charter ? »

[1] Protocole 4 à la convention européenne des droits de l’homme, article 4 : « Les expulsions collectives d’étrangers sont interdites ». Pratique également condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme contre la Russie en 2014 pour une expulsion collective de géorgiens.

[2] En 2019, ce sont 233 enfants qui ont été enfermés dans les centres de rétention en métropole (208 en 2018).

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