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Le RAARE : son action durant le confinement et son action à venir - Mobilisation et remobilisation



L’instauration du confinement a été un drame pour les personnes en grande précarité. Le gouvernement et plus particulièrement la mairie d’Angers, toujours dans le déni et le mépris de cette population, n’a proposé que quelques solutions plus inadaptées les unes que les autres, comme la mise à l’abri dans des hôtels sans nourriture ni argent…

Une version audio du texte est disponible sur soundcloud.

L’association RAARE, qui depuis plus d’un an s’occupe et partage la vie des personnes à la rue, s’est vue dans l’obligation de mobiliser toutes ses forces afin de leur assurer un minimum vital (très peu de récup’ dans les poubelles, faire la manche est impossible du fait du confinement de la population…).
Au-delà de l’alimentation, le RAARE a dû proposer des produits de première nécessité, d’hygiène, de soins, des vêtements, etc...

Pour ce faire un puissant réseau de solidarité est venu compléter l’organisation habituelle de l’association.

Quatre sources d’approvisionnement principales :

- En campagne :

Les relations solidaires entre bénévoles et agriculteurices sont un des piliers du ravitaillement alimentaire. Durant la période de confinement ce réseau s’est étoffé et plusieurs producteurices se sont mobiliséEs plus que jamais pour mettre à disposition des denrées alimentaires. La déstructuration du réseau de distribution marchand dû à l’épidémie nous a permis de récupérer de très grandes quantités de nourriture (œufs, lait, légumes, viande, jus de fruits, bios bien sûr !). Le renforcement des liens avec les paysanNES et leur mise en réseau avec les bénévoles semble être la grande victoire de l’action menée par le RAARE durant ce confinement.

Des points de collecte ont été mis en place dans trois villages, Saint Aubin de Luigné, La Possonnière et Savennières. Suite à l’appel aux dons du RAARE des membres de l’association et des sympathisantEs ont installé des tables chez elleux, des caisses à l’entrée des supérettes, ainsi que des stands d’infos et de dépôt sur les différents marchés de ces communes. Les dons alimentaires mais également, et nous en avions vraiment besoin, les produits d’hygiène et de soin ont été très nombreux, et ce durant l’entièreté de la période de confinement.
Depuis trois mois, deux fois par semaine, à la Possonnière, en parallèle du point de collecte, des groupes de cuisinier-ères préparent des soupes, plats cuisinés, gâteaux, en vue des distributions en maraude.
Cette dynamique engendre de nombreuses rencontres, discussions et permet aux bénévoles de questionner la population rurale sur son lien avec le militantisme urbain, avec la solidarité, la gratuité, etc.

- En ville :

Les grandes associations solidaires et humanitaires ont permis d’assurer une distribution régulière et massive aussi bien en nourriture qu’en produits de première nécessité.

Les boulangeries qui, par la mise à disposition régulière et entendue de leurs invendus, ont permis la distribution quotidienne de pains.

Une fois collectées, ces denrées sont acheminées vers Angers et plus particulièrement vers deux lieux, dont la Grande Ourse, où elles sont triées, stockées et réparties en paniers complets en vue des distributions. Ces dernières ont quatre objectifs :

- Ravitailler deux campements de Roms très en difficulté.

- Alimenter les caddies de maraudes qui se déroulent quatre puis deux fois par semaine en centre-ville. Elles ont pour but de ravitailler les SDF coupés de toutes sources d’approvisionnement du fait du confinement de la population. Les produits de soin, d’hygiène ainsi que les vêtements étaient très attendus.

- Livrer les différents squats d’Angers habités en partie par des bénévoles de l’association.

- Fournir les étals de la Freepicerie installée à l’entrée de La Grande Ourse. Cette épicerie gratuite permet à de nombreux-ses voisinEs en difficulté de venir s’approvisionner en toute sécurité.
La friperie (stand de vêtements à prix libre), installée également à la Grande Ourse, vient compléter l’offre disponible.

Une partie des denrées alimentaires est également cuisinée dans nos locaux pour une distribution sur place.

Le confinement est a priori derrière nous, mais les craintes demeurent : nous sommes de plus en plus pauvres, et la bataille pour se nourrir -suffisamment et correctement- ne cesse de s’accentuer. De nombreuses personnes sont déjà de nouveau à la rue, d’autres vont les y rejoindre. La « classe moyenne », au chômage partiel, commence aussi à avoir faim. Les associations sont sur-sollicitées et les perspectives peu réjouissantes.

Ces événements soulèvent un certain nombre de questions et nous rappellent l’urgence à repenser un mode d’alimentation et d’entraide qui soit respectueuse de nous toutes et tous et du vivant dans sa globalité.
L’appauvrissement de la population et la précarisation des travailleur-euses engendrée par la politique du gouvernement Macron, ainsi que la crise sociale post-coronavirus, nous maintient dans l’urgence humanitaire et nous oblige à rester mobiliséEs sur tous les volets de l’association.

Pour ce faire, le volet auto-production du RAARE se relance plus déterminé que jamais. En effet, nous souhaitons, en parallèle des dons et récup’, développer une certaine autonomie dans l’approvisionnement en denrée alimentaire (pour le moment légumière).
Trois terrains sont actuellement en cultures et y travaillent, main dans la main, bénévoles, bénéficiaires du ravitaillement et agriculteurices.

Il est important de souligner que notre relation avec les agriculteurices est cruciale car ils et elles nous fournissent généreusement des vivres mais également parce qu’ils et elles sont d’une grande aide dans la mise en place du volet "autoproduction" de l’association (prêts de terre et de matériel, gestion de certaines cultures...).

N’oublions pas que ce sont les groupes de la grande distribution, comme Auchan ou système U, qui fournissent une grande partie des denrées alimentaires que nous, ou d’autres associations, redistribuons aux personnes en situation de grande précarité. La grande distribution s’adosse sur le système agro-industriel et capitalistique, qui produit de la nourriture en excès et, sans autres sources d’approvisionnement et au vu de l’étendue galopante de la précarité, il serait dangereux de s’en priver.
Pourtant, il est nécessaire de ne pas oublier que ce système est essentiellement destructeur, en favorisant le capital plutôt que l’humain, la rentabilité à la qualité, avec peu d’égard, si ce n’est marketing, pour ses impacts sociaux et environnementaux.
C’est aussi ce système qui participe de la précarisation des populations, ici et ailleurs. Il nous importe donc de ne plus avoir à dépendre de cette source d’approvisionnement en favorisant celle qui ne dépend que de nous, bref, celle sur laquelle nous avons prise, celle qui prend soin des paysages et du vivant sous toutes ses formes.
Cet objectif n’est atteignable que grâce à une coopération forte entre habitantEs du monde rural, agriculteurs et agricultrices, militant-e-s des villes et campagnes et personnes soutenues. Nous tenons à cette coopération et aux échanges qu’elle suscite car ils réduisent l’écart culturel entre ces populations.
Également, le RAARE essaie autant que possible de supprimer, ou du moins de limiter le rapport aidant / aidé. Plutôt que la charité, il revendique l’entraide. Plutôt que l’aide, il revendique son soutien aux luttes alimentaires, de logement, de dignité, par et pour les personnes qui en sont privées. Ainsi, nous essayons le plus possible d’intégrer les personnes soutenues au réseau, soit dans les jardins, soit dans la distribution avec les maraudes, soit sous forme de contreparties ou d’investissements qui restent encore à inventer. Si un bon nombre demeurent pour le moment dans le « recevoir », il nous semble important de souligner que notre action consiste avant tout à soutenir des personnes en lutte contre la situation qui les prive de logement, d’activité ou de nourriture, beaucoup plus qu’à « aider pour aider ».

Le RAARE espère voire croître largement l’autonomie de son réseau et de ses membres et vous en êtes toutes et tous les artisans.

C’est pourquoi nous maintenons notre appel aux dons pour les producteurs et productrices ainsi qu’au niveau des points de collectes dans les villages et en ville. Nous en avons plus besoin que jamais ! Nous encourageons également chaque citoyenNE à rassembler au sein de son quartier de la nourriture et des produits de première nécessité afin de les distribuer à ses voisin-e-s dans le besoin. En cas de surplus, la Grande Ourse (6 quai Robert Fèvre à Angers) centralise les dons et les redistribuera. Il est également possible de contacter le RAARE par mail (notamment en cas de dons proposés par les producteurices) à l’adresse raare@riseup.net.

Concernant les points de collecte dans les villages et à Angers nous enverrons, chaque semaine, une liste de besoins très ciblés afin de rendre plus efficaces encore l’approvisionnement et le ravitaillement (exemple : produits laitiers pour le point de collecte de La Possonnière, riz pâtes semoules pour celui de Saint Aubin, hygiène pour Savennières, etc.). Libre à chacunE d’y aller de son don perso bien sûr !

Un grand merci d’avance et ne lâchons rien !

Solidairement,

Le RAARE (Ravitaillement Alimentaire Autonome et Réseau d’Entraide)

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