Analyse et Histoire Antisexisme / Féminisme

Luttes Féministes - Mise au point sur la Non-Mixité



Le 8 Mars c’était la journée internationale (de défense) des droits de la Femme, une dizaine de collectifs ont répondu à l’appel du collectif Émancipation à l’origine de la marche en non-mixité choisie à Angers, l’occasion de lutter et de manifester contre les oppressions et le sexisme puis de se retrouver entre féministes.

Dès le Vendredi 6 mars une soirée en non-mixité choisie a été spécialement organisée avec le collectif féminin de la Grande-ourse. Un étage en non-mixité pour la discussion, le débat et la découverte de genre, ainsi que des ateliers de préparation pour la marche du samedi 7 au soir ont été mis en place.

Retour sur la Marche Non-mixte à Angers, et ailleurs en France

Le Samedi 7 Mars, la veille de la journée des droits de la femme, plusieurs centaines de femmes ont défilé dans les grandes villes de France. Rassemblées en non-mixité choisie (sans hommes cis = homme né avec un organe sexuel masculin et qui se ressent du genre masculin) ielles manifestent pour protester contre les inégalités et les oppressions que subissent toujours plus les femmes et les personnes LGBTQI+. Ielles manifestaient contre les féminicides, contre le patriarcat qui chaque jour tue des femmes, les violente et les exploite. Ielles se battent pour une égalité au travail, une égalité des salaires, une reconnaissance sociale, contre les oppressions et les répressions. Bien que les mesures du gouvernement interdisaient les rassemblements de plus de cent personnes, il y en aura plus de 300 à la marche en non-mixité choisie à Angers.

Réunies place du Ralliement, 300 femmes, banderoles et pancartes à la main, remontent vers le Boulevard Foch. La police est présente, deux motard essayent de diriger le cortège et une voiture à l’arrière ferme la marche. Mais ils sous-estiment la force du cortège, très vite ce dernier contourne les policiers et plusieurs voix scandent que « nous n’avons pas besoin d’eux pour manifester et qu’ils feraient mieux d’être présents au commissariat pour prendre nos plaintes quand nous les déposons. »

Les policiers, sans délicatesse, se moquent dès le début de la tête de cortège qui réussira à les semer à plusieurs reprises avant d’aller bloquer la route des bus et des voitures devant le centre commercial Fleur d’Eau, les motards insultent les manifestantes et les infantilisent, leur réponse ? « Tout le monde déteste la police ! » accompagnée de la batuckada et de fumigènes rouge, le cortège récolte de nombreux applaudissements des personnes assises en terrasse dans la rue st Laud. Une manifestation puissante, rapide et frappante !

En même temps à Nantes, Toulouse et Paris, les cortèges féministes subissent une répression d’un autre niveau. Violemment chargé et gazé, le cortège de Paris, qui ne faisait pas spécialement d’excès ou de débordement, a été réprimé avec une force inouïe. Traînées par les cheveux, balancées dans les escaliers, une centaine de femmes on été enfermées dans une bouche de métro parisien.

Dans les autres villes, dès le début de manifestation, les gaz et les matraques répondent aux fumigènes et aux slogans. « Derrière la bac avançait. Ils ont sorti les matraques, ont commencé à nous faire reculer en poussant et donnant des coups. » témoigne une manifestante présente dans le cortège nantais.

Pourquoi la non-mixité choisie ?

Beaucoup de villes ont vu naître des marches, des manifestations, des rassemblements, des week-ends, des ciné-débats féministes en non-mixité choisie (sans hommes cis). Mais beaucoup de personnes de tous genres ont dénigré ces modes d’action, insultant les participantes et nous disant que la non-mixité ne sert à rien. Certains hommes cis, essayant de se joindre à nous alors qu’ils n’étaient clairement pas invités, se sont moqués de cette non-mixité choisie et se sont posés en victimes face à "notre regroupement matriarcal" !

À toute ces insultes, ce non respect de nos choix et de nos luttes, ce sexisme sytémique, nous disons STOP !

La non-mixité choisie est un terme qui suscite beaucoup d’incompréhensions et il est important de repréciser la volonté de ce choix et les enjeux qui l’accompagnent. Ce n’est ni du matriarcat ni du sexisme, bien au contraire. Cette mise au point mériterait un plus grand approfondissement, mais nous resterons ici succincts tout en vous invitant à faire vos propres recherches.

La revendication de l’exclusion d’un genre (ici les hommes cis) a pour objectif d’atteindre l’égalité entre tous, autrement dit c’est une manière de corriger une mixité, de fait illusoire, entre des groupes sociaux dominants et des groupes dominés. Des regroupements non-mixte donc, pour se battre contre le sexisme, le racisme, le validisme et d’autres inégalités que la société essaie de cacher en prônant les termes de liberté et d’égalité.

L’idée c’est de s’organiser pour elles-mêmes par elles-mêmes. La non mixité choisie permet aux personnes subissant des inégalités de genre et de la discrimination de genre de se retrouver sans oppresseurs et sans dominants pour s’organiser entre elles, en parler et agir. Il est important de noter que cela implique, pour que l’objectif d’égalité concrète puisse être atteint, que les hommes cis dominants soient également en capacité de s’organiser pour stopper ces inégalités qu’ils font subir. Eux même doivent lutter contre la discrimination de genre et le sexisme dans leur propre genre. « Nous sommes arrivés à la nécessité de la non-mixité. Nous avons pris conscience qu’à l’exemple de tous les groupes opprimés, c’était à nous de prendre en charge notre propre libération. » Pour en savoir plus, des exemples historiques de non-mixité choisie sont disponibles sur le lien suivant.

Féministe et Féminisme ne sont pas des gros-mots !

Comme développé dans de nombreux ouvrages, notamment celui de Françoise Vergès aux éditions La Fabrique, « Un féminisme décolonial » et celui de Marie-Eve Surprenant « Manuel de Résistance Féministe », le terme de "féministe" n’a pas toujours été facile à porter et est encore beaucoup critiqué. « Le féminisme va bien au-delà de l’égalité de genre et il dépasse largement la question du genre » rappelle Angela Davis. Il est souvent ajouté au terme de féminisme une vision utopique, car il est vrai que le féminisme appelle à la construction d’une société plus juste, égalitaire et solidaire, à la transformation sociale vers la solidarité et la paix humaine. Le féminisme ce n’est pas que de la théorie mais c’est également de la pratique et de l’action.

Le terme de "féministe" qui représente la lutte des femmes pour une émancipation et une égalité des sexes est en réalité beaucoup plus large que ça. Ce terme se voit bien souvent accompagné d’autres concepts, nous pouvons citer différents mouvements comme l’Eco-féminisme, défendu par Françoise d’Eaubonne dans les années 1970, qui fait le lien entre la responsabilité du patriarcat et du capitalisme dans la destruction de l’environnement tout comme la destruction et l’oppression de la femme. Nous avons également l’anarcha-féminisme qui relie l’anarchisme et le féminisme, indissolublement noués depuis 1792, et de nombreuses femmes comme Mary Wollstonecraft, Louise Michel ou bien encore Emma Goldman, qui ont repris, approfondi et renouvelé l’analyse libertaire de la situation des femmes.

On peut aussi reprocher au féminisme d’être défini de manière bourgeoise en oubliant le principal axe d’égalité. Le féminisme idéal est aussi anti-raciste, ou décolonial. « Pourquoi se dire féministe, pourquoi défendre le féminisme, quand ces termes sont tellement galvaudés que même l’extrême droite peut se les approprier ? Que faire quand, alors qu’il y a dix ans les mots « féministe » et « féminisme » portaient encore un potentiel radical et étaient jetés comme des insultes, ils font désormais partie de l’arsenal de la droite néolibérale modernisatrice ? » [1]

Trop souvent on entend le mythe de l’égalité déjà atteinte que les anti-féministes aiment prôner, de même pour le confusionnisme mis en place par de nombreuses fascistes qui se disent féministes alors qu’elles ne font que se contenter des acquis des luttes passées, tout en gardant le confort et les privilèges luxurieux d’un féminisme blanc bourgeois. Et pourtant « Dans une société qui pose l’égalité entre les sexes comme valeur soi-disant fondamentale, des résistances sont toujours à l’oeuvre et bien des plafonds de verre restent à éclater. […] Les luttes des femmes seraient dépassées, il faudrait maintenant s’inquiéter des hommes... Et quoi encore ? Tous ces blocages prennent forme dans un imaginaire collectif patriarcal, ignorant de l’histoire des femmes et contaminé par de tenaces préjugés. Or, les inégalités persistent et pendant que nous nous expliquons, nous ne nous y attaquons pas. » [2]

Le Féminisme est une lutte qui, au fil des siècles, n’a eu cesse de se développer sur des échelles géographiques, temporelles et thématiques, vastes et variées. Le féminisme, de plus en plus international, tente de mettre en place par tous types d’actions et d’expressions une égalité des genres totale. Le féminisme a une histoire que le patriarcat s’est bien gardé de faire connaître, il a souvent jugé comme hasardeuses les quelques victoires historiques des femmes. Souvent ces victoires d’égalité on été soigneusement réappropriées par le pouvoir en mettant en avant un leader afin d’essouffler la révolte. Pour ne pas dire "les femmes se révoltent et veulent l’égalité", on prend trop souvent "une femme" comme exemple, "elle a demandé l’égalité", le pouvoir est alors clément, en faisant tout un cirque médiatique, et accorde à peine 1% des revendications. Un exemple ? Le grenelle des violences de 2019.

N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.
- Simone de Beauvoir.

Le féminisme est synonyme d’anti-capitalisme, d’anti-fascisme, d’anti-racisme. Le féminisme est nécessaire et a pour vocation de grandir et de se développer face à toutes les inégalités que le patriarcat et le capitalisme ne cessent de mettre en place. Et ce n’est pas la repressions des flics, des hommes et de l’Etat, qui arrêteront le féminisme !

Notes

[1Ce livre est une invitation à renouer avec la puissance utopique du féminisme, c’est-à-dire avec un imaginaire à même de porter une transformation radicale de la société. Nous vous invitons à le lire afin de compléter réellement cette question du féminisme décolonial et de pouvoir comprendre la critique d’un féminisme bourgeois bien trop présent dans notre société et au service du capitalisme et du fascisme.

[2Livre de Marie-Eve Surprenant : Manuel de résistance féministe, aux éditions Remue-ménage.

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