Analyse et Histoire Antisexisme / Féminisme

Féminicides - Tu préfères « Faits Divers » ou « Crime Passionnel » ?



Depuis le début de l’année 2019, 125 femmes sont mortes sous les coups de leurs compagnons ou ex-compagnons. Depuis le début de l’année, et même depuis plusieurs années, nous voyons les manifestations contre les violences que subissent les femmes se développer sans que le gouvernement bouge. Les familles, les associations, les villes crient face à ces crimes non reconnus par la loi. Ces mortes sont relayées dans la case « Faits divers » ou encore « Crime passionnel » ! Regardons la réalité en face, ce sont des crimes et dans la plupart des cas ils sont prémédités.

« Les Féminicides c’est plus d’un bataclan par an ! Le terrorisme patriarcal n’est pas un fait divers ! »

Aujourd’hui, en France, une femme meurt tous les deux jours en moyenne sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon. Nous en étions à 123 femmes en 2016, 135 en 2017, 120 en 2018 et voilà, nous sommes en octobre et déjà à 125 femmes depuis le début de l’année 2019. Les femmes qui subissent les violences conjugales sont des victimes fragiles économiquement, la société n’est pas adaptée pour leur venir en aide sur cette question. Ce sont aussi des femmes fragiles psychologiquement car isolées dans leur vie. La violence ne se joue pas que physiquement, la dépendance et la solitude deviennent très vite une muraille qui les empêcherons de fuir. Ce sont des femmes que nous croisons tous les jours, de tout âge et de tout milieu.

Et nous pouvons également ajouter à ces chiffres : 93000 femmes sont victimes de viol chaque année en france, dans 9 cas sur 10 l’agresseur est connu de la victime ! 32% c’est la part des femmes salariées qui déclarent avoir déjà subi du harcélement sexuel au travail. Et encore, toutes les femmes victimes de viol et de violences sexistes et sexuelles ne portent pas forcément plainte ou ne témoignent pas ! Ce qui augmenterait bien évidement tous c’est chiffres !

Aurélie - 102e féminicide. Elle n’est pas qu’un chiffre !

A Angers, en septembre 2019 les médias annoncent dans la case "faits-divers" la mort d’Aurélie, femme de 50 ans morte sous les coups de son compagnon en Mars 2019. L’annonce est faite 6 mois après le décès. Le compagnon d’Aurélie a lui-même appelé la police pour prévenir de la mort de sa compagne, sans préciser qu’il en était l’auteur. La police ouvre alors une enquête et découvre qu’elle est morte sous des coups. Il leur a fallu plus d’un mois et plusieurs témoignages de voisins et d’amis avant de se pencher sur le cas du compagnon puis d’ouvrir une enquête plus spécifique. Le compagnon finira par avouer lui-même l’avoir battue lors d’une dispute puis l’avoir laissée inconsciente. Il était revenu plusieurs heures après pour contaster le décès. Mis en garde-à-vue le 26 avril, la réalité, bien que banale dans ces affaires, tombe comme la cerise sur le gâteau : l’homme était déjà connu de la justice pour violences conjugales et plusieurs plaintes avaient déjà été déposées auparavant !

Il est alors mis en examen pour meurtre par le parquet d’Angers. Seulement trop beau pour être vrai, l’intitulé du crime fait froid dans le dos ! D’un féminicide, la qualification du procès sera formulée ainsi « violences volontaires ayant entraînées la mort sans intention de la donner ». Voila comment la justice traite les meurtres de femmes. Si seulement ce n’était qu’un cas isolé, qu’une erreur de formulation. La mort d’Aurélie et le jugement de son meurtrier sont bien l’exemple de l’incompétence de la justice face à ces meurtres et montrent la nécessité d’écrire et de reconnaître le mot féminicide dans le code pénal. Car comme nous pouvons le lire le terme de "meurtre" n’est pas défini et énoncé.

Retour sur la législation et la prise en compte du mot "Féminicide".

Le droit pénal connaît le crime d’homicide, parricide, sororicide ou infanticide mais il ne reconnaît pas le terme féminicide au même titre. Et oui ! En fait, même le terme d’écocide est apparu et reconnu ! Et pourtant la question de reconnaître qu’il y a acte de violence et de mort volontaire sur un individu parce que celui-ci est de sexe féminin ne peut être nié. Cela comprenant un mobile misogyne. A la logique du meurtre, ce meurtre genré ne peut logiquement pas être traité comme n’importe quel autre crime, car il est bien visible et définissable par ses spécificités sexuelles.

Trop de fois, des féminicides ont été jugés comme de simples accidents, comme un accident de la route, ou même un homicide involontaire. Car les définitions actuelles et reconnues ne correspondent pas à la réalité des actes et laissent place à un flou juridique qu’il est plus simple d’effacer par un non-lieu ou par un jugement laissé non abouti. Le féminicide doit être un terme reconnu par la justice, combien de femmes devront encore mourir et être enterrées sans justice et en silence avant que le gouvernement ne prenne de réelles mesures ? Progressivement le mot s’insert dans les débats de société. Les manifestations, les rassemblements et les actions fleurissent. La colère de cette injustice et de ces crimes patriarcaux gronde et s’élève. (Un article du Point, plus précis, développe d’avantage la question juridique et légale.)

Qu’en est-il du Grenelle des violences conjugales et de l’action gouvernementale ?

Marlène Schiappa avait promis en juillet 2019 la création de 240 places d’hébergement pour les victimes de violences. Elle structure très bien ses chiffres en développant ceux à venir en plus. Dommage que ce ne soit qu’un joli chiffre fantôme. En interrogeant les centres et les principaux activistes dans cette lutte, aucune trace de ces logements supplémentaires n’a été trouvés. Et nous pourrons ajouter à cette énigme le magnifique discours d’Edouard Philippe « 240 places seront créées d’ici janvier 2020 » discours qu’il fera quelques jours après celui de Marlène Schiappa.

Mais cette prise de décision est minime et détourne le véritable sujet. Il faut certes prendre des mesures et mettre un réel budget pour sécuriser et sauver les victimes de violences conjugales (0,007% seulement du budget national est consacré à cette question). Ce qu’il faut installer en parallèle c’est une réelle juridiction pour condamner ces actes de violences et reconnaître le terme féminicide afin de pouvoir rendre une réelle justice à toutes ces femmes mortes et détruites.

De plus, depuis le 3 Septembre 2019, et cela pendant 3 mois, le gouvernement a convoqué à Matignon un Grenelle des violences conjugales. Il fait suite à la tribune parue dans le Monde et écrite par un collectif d’associations et de militantes féministes, envoyée le 4 juillet, réclamant des mesures d’urgence et concrètes.

Ce Grenelle a été fortement critiqué avant même que la première semaine ne se termine. Environ quatre-vingt personnes seront invitées, Édouard Philippe devra annoncer les premières mesures d’urgence face à ces crimes. C’est avec surprise que les syndicats apprennent qu’ils ne feront pas partis des invités. Un communiqué de presse la CGT rappelle que les femmes victimes de violences conjugales sont également des travailleuses ! Et personne ne peut ignorer que les conditions financières impactent directement la vie quotidienne. On ne peut pas forcément lire sur le visage d’une femme que tous les soirs elle est battue. Parce qu’elle ne peut pas se présenter au travail le visage défiguré. Parce que si elle veut fuir la violence qu’elle subit, elle se retrouve directement face à la question financière, ne serait-ce que pour les besoins de fuite et de survie ensuite. Démissionner ? Le code du travail et le milieu ne lui permette pas de changer de vie sans impacter la suivante. C’est un réel handicap qui se rajoute à leur vie.

Dans la foulée, le Gouvernement confirme au bout d’un mois, la baisse du budget égalité femmes-hommes de -0,09% soit -25 750€ en 2020 ! (Voir ce rapport en page 12.)

Ces chiffres, rendus public dans le projet de loi de financement de 2020, démontrent que le gouvernement préfère faire la guerre du pétrole plutôt que de sauver des vies. Ce projet fait 300 pages et il fait froid dans le dos. Une très grande déception quand on voit les chiffres qui sortent d’une décisions sans justification. Où sont les montants réelle des dépenses de tous les ministères pour l’égalité et la lutte contre les violences ? Une seule et unique phrase : "il faut attendre les documents de politique transversales qui arriveront plus tard". Les seuls éléments pris en compte sont les chiffres plus que douteux de Marlène Schiappa ! #1MilliardPasDesMiettes a été lancé pour la mobilisation contre ces supercheries !

Mais le Grenelle des violences conjugales n’est pas fini ! Il se terminera le 25 novembre et rendra compte de manière plus précise de la contribution et de l’implication réelle du gouvernement. C’est pour cela que la lutte ne doit pas s’arrêter et au contraire doit faire pression pour que ce grenelle des violences ne soit pas une supercherie administrative de plus ! Beaucoup d’actions se lancent en France, comme une manifestation des femenes à Paris le 5 octobre au cimetière de Montparnasse. Les noms des femmes mortes sont écrit sur des tombes en cartons à la main. Une revendication calme et puissante « Plus écoutées mortes que vivantes ».

Ou encore à Angers, samedi 12 Octobre, une quarantaine de personnes se sont mobilisées pour rendre hommage aux victimes de violence.

Une étudiante à Angers témoigne.

On en discute entre ami-es, le sujet reste énormément tabou. Pourquoi certain-nes en entendent parler, d’autres ne savent pas que cela existe, certain-nes balayent le sujet du revers de la main ? Ces meurtres sont éparpillés et disséminés dans les journaux locaux. Pas de nationalisation de l’information. Pas de relais en première page. Juste un nom et un acte sous le titre humiliant de « Faits Divers » qu’on lira à la fin du journal si on à le temps.

Une étudiante témoigne après une relation violente de deux ans : « Il n’y a pas d’âge pour être frappée par son compagnon. » Après s’être sortie de la relation violente qu’elle subissait, elle témoigne de la difficulté de trouver de l’aide. « Je voyais les affiches, je connaissais le numéro d’urgence par cœur 3919, mais cela restait un flou effrayant. Fuir pour aller où ? Comment réellement s’en échapper et être en sécurité ? A Angers différentes instances et associations existent pour aider les femmes comme moi, qui subissent ou ont subi des violences conjugales. Seulement pour ma part elles étaient trop loin, ou elles n’étaient pas adaptées. J’ai eu le courage d’aller voir mon médecin traitant, espérant qu’il m’aiderait, qu’il prendrait des décisions à ma place pour me sortir de là, je n’ai gagné qu’un arrêt maladie de trois jour pour « fatigue au travail ». J’ai été voir une psychologue à l’université d’Angers, elle ne ma pas crue, me réprimandant pour avoir utilisé des mots que, je cite, « que je ne connaissais pas et ne pouvais pas comprendre. ». J’ai hésité à aller voir AAVAS (Association d’Aide aux Victimes d’Abus Sexuels) qui se trouvait près de ma faculté, mais le fait de ne pas avoir vécu que des violences sexuelles m’a freinée. J’avais peur de ne pas être à nouveau écoutée. Le sujet des violences conjugales, des violences sexistes et sexuelles est un sujet tabou dans la société et encore plus dans les instances et les services. La médecine, dès les études, est façonnée par l’État, et est elle même sexiste et inégale. Le patriarcat s’exerce partout, et même sur celles et ceux qui sont sensé-es pouvoir nous venir en aide. Les gens ont peur d’entendre parler de ça. Cela choque. Moi ce qui me choque c’est que cela continue sans que rien ne se fasse pour punir et stopper ces violences »

« Nommer c’est dévoiler. Et dévoiler, c’est déjà agir. » Simone de Beauvoir.

Le 28 août 2019 sont déployés sur les murs de l’hôtel de ville de Paris, les noms des 99 victimes de féminicides depuis le 1er janvier 2019 ainsi que les circonstances de leurs meurtres. Nous-toutes, les planning familiaux, la CGT, la FSU, Solidaires, et grand nombre d’autres associations sont présentes brandissant les noms et numéros des femmes assassinées. L’actrice Eva Darlan à pris la parole afin de les nommer et de leurs rendre hommage.

Dans différentes villes de France des collectifs de collage contre les féminicides voient le jour. Sur les réseaux sociaux les #pasunedeplus #contrelesféminicides et autres, légendent les photos des collages et des actions.

A Angers un collectif de femmes vient de voir le jour, soutenue par noustoutesangers présent également sur les réseaux sociaux @noustoutesangers, il répond à la création de plein d’autres actions faites en France. De grandes lettres peintes noires sur blanc sont collées dans les rues angevines « PAS UNE DE PLUS » « ELLE LE QUITTE. IL LA TUE ». Seulement ces vérités à peine collées se font arracher dès le lendemain ! Ne nous arrêtons pas à ça ! Le collectif colle de plus belle. Ce combat ne s’arrêtera pas tant que des femmes mourront dans le silence sous les coups d’une société patriarcale.

Le 12 Septembre 2019 à 18h30 à eu lieu un rendez-vous à la Facultés de Saint-Serge, Allée François-Mitterand à Angers, afin de rendre hommage à toutes ces femmes ! Les associations et organisations angevines ont pris la parole après une minute de silence. Le planning Familiale 49, NousToutesAngers, et une centaine de personnes étaient présentes pour coller, sous la phrase "ON NE VEUT PLUS COMPTER NOS MORTES" et autour d’une oeuvre popculture de l’artiste Botero_pop, les noms des victimes. Dans le logo du sexe feminin, chacun pouvait venir ajouter et compléter le tableau des 104 féminicides.

Nous Toutes vous donne rendez-vous le 23 Novembre 2019 à Paris pour dire STOP aux violences sexistes et sexuelles ! Plus d’info sur l’évènement sont disponible via les réseaux sociaux : @NousToutesOrg

On vous attend à Angers, le 16 Novembre, pour la prochaine manifestation contre les violences sexistes et sexuels, plus d’information à venir sur basse-chaine.info !

Un appel au Don à été lancé sur leetchi.com/c/noustoutes afin de développer l’aide aux femmes et permettre à chacune et chacun de venir rejoindre la lutte (financement de transports, gardes d’enfants, ...)

La mobilisation est également lancée aux niveaux étudiants dans chaque ville de France, c’est à vous de construire la lutte dans vos fac, rien ne doit vous en empêcher. Plus d’informations sur bit.ly/NousToutesJeunes.

La lutte continue ! Soutien à toutes les familles et proches des femmes qui sont mortes sous les coups ! Soutien à tous celles et ceux qui subissent ou ont subi des violences ! Soutien à tous celles et ceux qui se battent pour que les féminicides stoppent !

Une femme n’est jamais respondable des violences qu’elle subit. Jamais.

Les numéros utiles en cas de violences psychologiques, de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle, de coups ou de viol, vous pouvez appeler :
- 3919 : Violences Femmes Infos
- 0 800 05 95 95 : Viols Femmes Infos
- 119 : Enfance en danger

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