Évènements Guerre / Génocide

À Gaza, les journalistes font leurs adieux



Textes publié le 2 décembre 2023 sur le journal de Gaza. « Alors que la trêve avait permis à certains d’espérer, Israël a redoublé d’intensité dans sa violence depuis la fin de cette trêve. Au 58e jour, la région du centre de l’enclave est encerclée, les Gazaouis sont pris au piège, affamés, assoiffés et bombardés, et les journalistes, qui sont aux premières lignes, craquent. »
En tant que site d’information libre, et n’étant pas présent sur les lieux, basse-chaine.info vous partage des textes et des témoignages sur la situation afin de sortir du prismes binaire des médias grand public. N’hésitez pas à proposer vos textes sur le sujet afin de compléter les ressources d’informations. Tous et toutes solidaires ! Boycottons Israël !

Voici quelques uns des messages des journalistes tous postés ce 2 décembre et traduits de l’anglais ou de l’arabe. C’est à cet instant que notre rôle d’amplifier ce mouvement de résistance, d’informer et d’exiger un cessez-le-feu devient plus importants que jamais.

Avant la guerre, Motaz Azaiza aimait photographier les gens de Gaza, il a 24 ans. À 25 ans, Bisan Owda était réalisatrice. Belal Khaled, maintenant un photographe renommé, était graffeur et artiste. Comme les 2,2 millions d’habitants à Gaza, leurs existences ont basculé le 7 octobre, avec l’offensive israélienne. Iels ont décidé d’informer, de documenter, de partager et d’éduquer. Depuis 57 jours, iels sont rentrés dans nos vies et ont volé nos coeurs avec leur candeur, gentillesse, résilience et courage - nous offrant une fenêtre sur la réalité qu’aucun média traditionnel ne voulait nous montrer. Depuis, leurs reportages et photos sont parus dans des publications du monde netier. Ils ont honorés par GQ ou Vogue Arabia et érigés en héros des premières lignes, souvent croqué.es avec des capes et leurs casques. Tant et si bien qu’on en oublierait presque qu’iels n’ont pas choisi d’être héro.ines. Derrière les capes, des humains à bout d’espoir et d’énergie. Des Gazaouis eux aussi au milieu d’un génocide qu’ils documentent en plus de le vivre, photographiant les morts en plus d’apprendre celles des leurs, constamment menacés par Israël. Aujourd’hui, beaucoup craquent et nous font leurs adieux, épuisé.es et effrayé.es. Voici quelques messages qu’ils ont posté sur Instagram et qu’on vous repartage ici.

Prince Kouta

« Ce qui s’est passé aujourd’hui. J’étais à a peine dix mètres ! On a entendu deux frappes, on est tombés à terre ! Juste après, dix frappes consécutives ! On ne savait jamais où c’était. On était couverts de poussières, de poudres et de pierres ! A chaque frappe, on récitait la Shahada [la profession de foi récitée lors de l’accompagnement d’un mourant dans la mort]. Je priais de mourir en un morceau, et que les gens puissent m’identifier. Dix frappes consécutives ! A chacune, je suis mort, mon coeur battait si vite. Mon esprit était anéanti par l’idée de croire que je me suis relevé, je n’arrivais pas à croire que je respirais, je me suis cogné la tête avec du verre en me relevant ! C’était si poussiéreux qu’on ne pouvait pas voir pendant plusieurs minutes ! Aujourd’hui, nous sommes morts. Chaque jour, nous nous réveillons de la pire manières qu’il soit. »

Motaz Azaiza

« La phase où je mets ma vie en péril pour envoyer un message au monde [...] et montrer à tout le monde des images et des vidéos de Gaza est finie. J’entre dans la phase de survie. J’ai partagé ce message aussi longtemps que j’ai pu, et Dieu sait que je l’ai fait en son nom, et au service de mon pays. Nous sommes maintenant assiégés de l’intérieur ; Nous ne pouvons pas partir vers le nord ni vers le sud : des tanks israéliens encercent la région centrale des deux côtés. Notre situation est plus catastrophique que quiconque puisse imaginer. Rappelez-vous que nous ne sommes pas que du contenu que vous pouvez partager. Nous sommes un peuple qui est train d’être assassiné, et on essaye de résister à l’annihilation de notre cause par tous les moyens. Oh, comme nous sommes seuls. (il ajoute en anglais) C’est une question de vie ou de mort maintenant. J’ai fait ce que j’ai pu. »

Saleh Aljafarawi

« Dieu sait que j’ai tout fait pour surmonter ma douleur et ma fatigue parce que je sais que beaucoup de personnes se tournent vers moi pour trouver de la force. Et je sais que je ne dois pas faiblir parce que la Palestine a besoin de moi. Mais ô Allah, j’ai vu tant d’horreurs - je pleurs jusqu’à m’endormir, je fais des cauchemars toutes les nuits. Ca fait 58 jours que j’ai pas eu de nouvelles de ma famille - depuis la dernière fois que j’ai pu les contacter - et pourtant je continue de poster et de partager. Mais il semblerait que le monde ne va pas répondre à notre appel. Si Dieu veut, vous vous réveillerez une fois qu’on sera exterminés et effacés de la surface de la terre. »

Bisan Wizard

"Je n’ai plus aucun espoir de survivre comme j’en avais au début de ce génocide, et je suis certaine que je vais mourir dans les semaines - peut-être les jours - à venir. Je suis atteinte d’une infection virale et je n’arrive pas à bouger de mon matelas ! Je souffre de cauchemars qui ressemblent tant à la réalité que je ne suis plus capable de différencier rêve et réalité. [...] Mon message au monde : Vous n’êtes pas innocents de ce qui nous arrive, vous les gouvernements ou individus qui soutenez l’annihilation de mon peuple par Israël. Nous ne vous pardonnerons pas, l’humanité ne vous pardonnera pas, nous n’oublierons pas - et même si on meurt - l’histoire n’oubliera pas.
Un message à mes amis et à ceux qui nous soutiennent de par le monde : Merci. Vous avez fait preuve de force et d’empathie. Nous vous demandons de ne pas perdre l’espoir, même si le monde semble parfaitement injuste et que vos efforts n’ont pas encore résulté en un cessez-le-feu.« 

Ismail Jood

 »Notre dernier message : les visages sont devenus pâles, l’espoir a disparu, et nous ne pardonnerons pas ceux qui étaient capable de dire la vérité et sont pourtant restés silencieux. Ce monde nous a prouvé qu’il est méprisable et hypocrite, mais notre monde sera [ailleurs], dans un monde plus juste, plus en sécurité et plus protégé par notre Créateur. Peuple de Gaza : nous vous félicitons de votre martyre, que Dieu bénisse vos ames. Et que ce monde hypocrite soit maudit."

La trêve

Présentation d’’un article médiapart.

"La trêve aura duré une semaine. Commencée vendredi 24 novembre, elle a pris fin vendredi 1er décembre à l’aube. Une semaine pendant laquelle, pour la première fois depuis le début du conflit, les Gazaoui.es bloqué.es en Égypte ont eu l’autorisation de rejoindre l’enclave.

La nouvelle est tombée par surprise, le 23 novembre, via la représentation diplomatique palestinienne en Égypte. « Depuis le début de la guerre, notre ambassade a été aussi eficace que celle de Djibouti », persifle Rami H ; La comparaison provoque les rires de ses amis rassemblés dans un appartement enfumé au coeur d’un quartier populaire de la capitale égyptienne.

Les naufragés gazaouis du Caire se retrouvent ici à la nuit tombée, pour se donner des nouvelles ou siroter du thé en silence. Au mur, une télé muette diffus en boucle les images de leur terre natale. « Impossible de rester seuls. On deviendrait fou » glisse l’un d’eux. Tous ou presque sont riginaires du nord de la bande de Gaza. Certains étudient en Égypte. D’autres étaient en déplacement à l’étranger lors de l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier. Rami H était hospitalisé pour un problème cardiaque." La suite des articles sur médiapart.

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